J’écoute Taylor Swift,
et j’aime Twilight. Cette phrase
anodine, vous n’imaginez pas combien d’années il m’aura fallu pour l’assumer.
Quand j’étais plus jeune, si on me prenait à écouter les Taylor Swift ou Demi Lovato, c’était toujours suivi d’un « je sais que
c’est nul mais … ». Et puis un jour, je
me suis posée une question : pourquoi ce serait nul ?
Pourquoi lire
Twilight serait moins bien que de lire Maigret et écouter Obispo mieux Taylor Swift ? ?
A l’heure de Metoo et de la prise de conscience
collective (j’espère) de la façon dont
les femmes sont traitées dans notre société, j’ai regardé la
définition de la misogynie.
Misogyne : « Qui hait ou méprise les femmes ».
La haine, c’est facile à visualiser. Vous les voyez
les hommes qui haïssent les femmes. Vous les reconnaissez. Vous savez vous y opposer.
Mais le mépris, le mépris insidieux
qui commence tout doucement, dès le plus
jeune âge, celui auquel vous êtes une princesse pendant que votre frère est un
pirate ou un aventurier, où on commence petit à petit à vous apprendre que vos
goûts, vos loisirs sont juste un peu moins bien que ceux des garçons, jusqu’au
jour fatidique de l’adolescence, où vous devenez alors une furie bourrée d’hormones
qui ne peux rien aimer qui soit digne d’intérêt.
Le mépris « Fait de considérer comme indigne d'attention ».
Il était drôle de se moquer des jeunes filles de ma
génération d’aimer Tokyo Hotel, ou encore One Direction ou la K-POP aujourd’hui.
Il fut un sport sur les réseaux ces dernières années de
faire parti du clan Twilight c’est de la merde.
Et il est toujours aussi mal vu de dire en France qu’on
lit de la romance. On est nécessairement une midinette, et ce n’est pas de la vraie
lecture de toute façon.
Quand au maquillage, n'en parlons même pas. Cette activité ne peut être que futile, peu importe qu'il faille des années pour en maitriser les subtilités.
Outre le fait qu’à mon sens la « vrai lecture »
n’existe pas, cela dénote je crois une tendance assez profonde dans notre
société de dire : tout ce qu’aime une femme, et plus
particulièrement une adolescente, c’est de la merde.
Peu importe que certaines aient appris l’allemand, l’anglais
ou encore le coréen grâce aux chansons écoutées,
les adolescentes aiment, donc c’est forcément de la merde.
Peu importe que certaines aient pris goût à la lecture grâce
à Twilight, les adolescentes aiment, donc c’est forcément de la
merde.
Peu importe que certaines romances traitent de sujets
difficiles,ou soient
tout simplement une façon pour une femme qui travaille et élève ses
enfants de s’évader, les femmes aiment, donc c’est forcément de la merde.
Et si on est un garçon olalaaa il ne faut surtout pas lire
de la romance ou écouter Taylor Swift, sinon c’est que vous aimez les trucs de
fille, et dans notre société apparemment, le pire truc qui puisse vous arriver,
c’est d’être une fille.
C’est dure de déconstruire tout cela, c’est un travail de
plusieurs décennies, de se demander : pourquoi je n’ose pas dire que « Shake
it Off » tourne en boucle sur mon Apple Music ? Pourquoi c’est dur de
dire à votre entourage, en ce moment je lis le nouveau Lisa Kleypas ? De
se rendre compte que ce mépris, vous l’avez intériorisé, et tourné contre vous-même
et vos propre goûts.
Alors voilà, je le dis maintenant, j’écoute Taylor Swift et
j’aime Twilight.
Je lis de la romance avec autant de plaisir que j’ai à lire
Zweig ou Camus.
Je crois que l’art, sous toutes ses formes, lorsqu’il
procure de la joie, de l’évasion, à un individu, ne peut être source de mépris.
Je crois que chacun a le droit d’aimer ce qu’il veut, et qu’être une
adolescente n’est pas une excuse pour qu’un adulte déverse sa misogynie.
Parce que quoi de plus facile au monde que de s’en prendre à
une adolescente qui doit jongler entre un corps de femme qu’elle n’est pas
encore prête à assumer, le regard des hommes qui s’en moque bien, les
injonctions de la sociétés qui t’explique qu’il faut être plus maigre, plus
grosse, plus blonde, moins poilue, plus douce, moins boutonneuse, plus
maquillée, mais moins maquillée le pot de peinture, plus souriante, moins renfermée,
plus exubérante, plus féminine mais moins sexy …
Alors si lire Twilight et aimer écouter Taylor Swift vous aide à passer de meilleurs journées, pourquoi s'en priver ;)
Et vous, un truc que
vous aimiez ado que vous ne parveniez pas à assumer ?